Dernièrement je me suis rendu dans un grand centre équestre de ma région pour une formation. J’y ai fait un triste constat qui m’a un peu surprise et surtout attristée.
En effet, je dirais que huit chevaux d’école sur 10 montraient de forts signes d’inconfort lorsqu’un humain était à proximité.
Après observation des personnes qui travaillaient sur place, je me suis rendu compte qu’elles faisaient des gestes un peu machinalement sans se préoccuper de l’attitude du cheval dont elles s’occupaient.
Lors du pansage par exemple, plusieurs chevaux menaçaient de mordre l’humain, tapaient du pied, foyaient de la queue. Je me suis dit, mais quelle tristesse, de voir ces chevaux l’école, dans un tel état émotionnel, sans que personne n’y prête attention. Qu’est-ce qu’on apprend aux jeunes qui débutent l’équitation ? On leur apprend que finalement ce sont des situations normales.
C’est ça qui m’a rendu le plus triste je crois, c’est que en 2024, alors qu’aujourd’hui on a toutes les connaissances à portée de clic, si peu de professionnels s’y intéressent réellement. Les formations professionnelles dans mon pays ne traitent malheureusement pas ou très peu de la compréhension du cheval. Ces formations sont axées principalement sur l’équitation et ses techniques équestres et n’évoluent que très lentement. Il manque les parties les plus essentielles qui sont la compréhension et la communication avec l’animal.
Je donne moi-même des cours à des enfants avec mes poneys et chevaux, et pour moi c’est essentiel de leur apprendre à lire leur poney et faire en sorte qu’il passe un moment agréable lorsque l’on le brosse, puis lorsqu’il est monté.
Rendre le pansage agréable pour le cheval, question éthique
Aujourd’hui, on parle de plus en plus de l’éthique dans le monde équestre. Cependant, j’ai l’impression que nous n’avons pas tous la même définition de l’éthique. Bien souvent le manque de connaissances et de compréhension du cheval mènent à de mauvaises interprétations.
Paradoxalement, il n’a jamais été aussi facile d’accéder à l’information et aux formations pour mieux comprendre et soigner nos animaux.
Léa Lansade, éthologue de renommée a fait une recherche en 2018 sur le bien-être des chevaux lors de la pratique du pansage, vous trouverez le lien de cette vidéo au bas de mon article. Elle y avait constaté déjà que plus de 50% des chevaux testés montraient des signes d’inconfort au pansage et seulement 5% des signes positifs.
Le cheval est un animal doté d’une grande sensibilité, il va aimer entrer en contact avec nous si nous nous montrons digne de confiance et à l’écoute. Lorsque je panse un cheval, j’essaie toujours de lui rendre ce moment agréable. Pour cela, j’ai constamment un œil sur sa tête pour savoir si l’intensité du brossage lui convient. Je n’hésite pas non plus à faire de petites pauses grattouilles durant le pansage.
Lorsque mon cheval déclenche des signes d’allo-grooming, c’est que j’ai réussi à rendre ce moment confortable.
Par contre, si lorsque je passe l’étrille sur son dos, mon cheval a des mouvements de contraction, je sais que je dois baisser immédiatement l’intensité de mon étrille. Alors oui certes mon cheval ne sera probablement pas autant dépoussiéré que celui dont le cavalier s’est acharné avec son étrille, mais ma bonne relation avec mon cheval sera intacte.
Que faire lorsque le cheval a associé le pansage à un moment négatif ?
Si votre cheval montre des signes d’inconfort au pansage, ne culpabilisez pas mais lisez la suite et regardez la vidéo qui je l’espère devrait vous aider à améliorer la situation.
Dans un premier temps, oubliez complètement votre objectif de rendre propre votre cheval par le pansage. Focalisez-vous sur votre relation avec votre cheval afin qu’il apprécie passer du temps à côté de vous et que ce ne soit plus une source de stress pour lui.
Il y a certainement plusieurs facteurs qui font que le cheval montre des signes d’inconfort. Une cause possible c’est qu’il ait associé le brossage à quelque chose de désagréable qui peut même lui causer des douleurs. Du coup, par anticipation, il va se contracter et montrer des signes d’inconfort avant même que vous ne le touchiez.
Une autre raison possible, c’est que le cheval ait compris qu’il pouvait arrêter et éloigner l’humain en ayant des attitudes négatives. Si à chaque fois que le cheval baisse les oreilles et fait mine de mordre, vous reculez, le cheval va vite comprendre qu’il peut bouger vos pieds. Il se peut aussi que le cheval ait peur de vos gestes.
Première étape - désensibilisation aux gestes
La première étape va être de vérifier la désensibilisation à vos gestes. Lorsque vous désensibilisez un cheval à quelque chose, ne le laissez pas attaché. Si vous l’empêchez de bouger vous ne pourrez pas l’éduquer à ne pas le faire.
Lorsque le cheval bouge ou montre des signes de stress alors que vous agitez votre bras, il est important de l’y habituer par de la désensibilisation à comprendre qu’il est en sécurité, malgré vos gestes.
Si le cheval essaie de vous fuir, il est important que vous n’arrêtiez pas vos gestes à ce moment-là et qu’il ne puisse pas prendre de la distance. Par contre pour l’aider, baissez l’intensité de vos gestes et arrêtez tout dès qu’il est arrête ses pieds.
Il est difficile de savoir pour quelle raison le cheval montre des signes négatifs lorsque vous essayez de le brosser. Donc débutez déjà juste par l’acceptation que vous soyez à côté et que vous le touchiez au niveau du garrot sans mettre de pression autre.
On débute la désensibilisation au niveau du garrot car c’est une zone confortable pour le cheval. C’est la zone où eux-mêmes se grouillent entre amis. À ce moment-là, si le cheval met les oreilles en arrière et fait mine de vouloir vous mordre, ne bougez surtout pas restez un peu éteint dans votre corps, et attendez que son attitude change. S’il essaie de vous mordre, bloquez le avec votre coude.
Dès que son attitude redevient détendue éloignez-vous. Recommencez cela plusieurs fois jusqu’à ce que votre cheval ne montre plus de signes d’inconfort. Ensuite vous pouvez utiliser la technique de l’approche retrait qui est d’éloigner votre main du garrot et d’aller dans une autre zone puis de revenir rapidement au garrot.
Deuxième étape - désensibilisation à la brosse
L’étape suivante est de prendre une brosse dans votre main et de faire la même chose. Puis, vous allez commencer à brosser votre cheval mais très délicatement avec très peu de pression. Oubliez totalement l’objectif de rendre votre cheval propre. Ici ce n’est pas l’objectif, l’objectif est d’aider votre cheval à accepter que vous le touchiez et de lui permettre de comprendre que cela peut être un moment agréable pour lui.
Bien sûr si le cheval est manipulé par plusieurs personnes différentes il va falloir que toutes les personnes qui manipulent le cheval adoptent la même attitude que vous. N’hésitez donc pas à leur montrer comment procéder.
Si votre cheval montre des signes d’agressivité, essaie par exemple de vous taper, lorsque vous le touchez dans certaines zones sensibles, je pense par exemple sous le ventre pour certaines juments. Si vous ne vous sentez pas en sécurité, ne prenez pas de risques, faites plutôt appel à un professionnel de l’éducation du cheval qui pourra vous aider vous et votre cheval.
Malheureusement, à chaque fois que vous allez reculer face à une menace de votre cheval, vous allez renforcer ce comportement négatif chez lui. Et plus ce comportement négatif sera renforcé, plus cela prendra du temps de le rééduquer.
Plus de la moitié des accidents impliquant des cavaliers avec leur cheval, se passent au sol. Il est donc très important de bien éduquer le cheval aussi au sol.
Étapes suivantes
Une fois que vous n’avez plus d’attitude négative lorsque vous touchez votre cheval avec votre main et avec votre brosse, vous pourrez commencer à le brosser progressivement.
Augmentez l’intensité très progressivement et observez toujours l’attitude de votre cheval afin de savoir si c’est ok pour lui. N’hésitez pas à ajouter des pauses gratouilles afin de déclencher de l’allo-grooming.
La clé du succès est d’apprendre à lire votre cheval, de rester à son écoute, d’être ferme lorsqu’il faut l’être et bienveillant et empathique en le traitant pour ce qu’il est : un cheval.
Dites-moi dans les commentaires si mon article vous est utile et n’hésitez pas à partager vos difficultés, vos doutes et vos réussites pour continuer à progresser ensemble.
Merci Carmen, c’est important de prendre en compte cette dimension sensible dans la relation avec l’animal et de consacrer du temps à se connaître l’un et l’autre.
Comme vous le signalez, nous avons une connaissance de plus en plus approfondie dans de nombreux domaines qui n’est pas assez mise en pratique.
Merci pour votre commentaire, c’est tout à fait ça 🙂
Merci Carmen pour ton bel article. Cela me fait penser à la manière d’entrer en intimité avec des personnes qui ont vécu des traumatismes. Merci de remettre le coeur, la conscience et la communication au centre de la relation afin d’éviter des comportements automatiques qui peuvent avoir des conséquences bien néfastes.
Avec plaisir, contente que cela vous parle!
Merci pour ton article. Comme dirait Andy Booth : « confortable / inconfortable ». Le cheval parle avec son corps. Je pense qu’il serait indispensable d’inculquer aux enfants les bases du respect vis à vis des chevaux ou poneys dont ils s’occupent. Mais entre nous, le milieu du cheval est très spécial…
Oui je suis tout à fait d’accord, malheureusement il y a encore un gros manque au niveau des formations professionnelles quant à la compréhension et la communication avec les chevaux.
Merci pour cet article très instructif et au plaisir de lire les prochains articles du blog 😉
Avec plaisir 🙂