Podcast: Play in new window | Download (Duration: 28:33 — 52.9MB)
S'inscrire au podcast via une plateforme : Apple Podcasts | RSS
Ce n’est pas tous les jours qu’on a l’occasion de passer du temps avec des chevaux vivant libres, dans un cadre aussi unique que celui du site conservatoire du cheval de Przewalski, à Hures-la-Parade, en Lozère. Et pourtant, c’est exactement ce que j’ai vécu. Trois jours en immersion totale, à observer ces chevaux pas comme les autres, dans un domaine immense de 2 x 200 hectares.
Ce stage était animé par Hélène Roche, éthologue passionnée, connue notamment pour ses ouvrages sur le comportement du cheval. Et autant vous dire qu’elle connaît chaque recoin du terrain… et chaque cheval aussi. Cela fait plus de 20 ans qu’elle les observe. Elle a partagé avec nous une foule d’anecdotes, de détails, d’histoires qui rendent ces animaux encore plus attachants et fascinants.
Ce qui m’a le plus frappé, c’est à quel point il se passe toujours quelque chose entre eux. J’ai découvert une richesse insoupçonnée de comportements, d’interactions sociales, de dynamiques de groupe. J’ai compris que mieux connaître ces chevaux dits “sauvages”, c’est aussi mieux comprendre nos chevaux domestiques : leur langage, leurs besoins, leur équilibre émotionnel.
Dans cet article, je vous emmène avec moi dans cette aventure inoubliable. Je vous raconterai mon séjour, les moments marquants, ce que j’y ai appris. Et en vous présentant le travail admirable de l’association Takh, qui œuvre chaque jour pour préserver cette espèce exceptionnelle. Mon souhait ? Vous donner envie, vous aussi, d’aller à la rencontre de ce petit cheval qui a tant à nous apprendre.

L'association Takh : un laboratoire de vie sauvage en Lozère
La réserve TAKH : un projet de conservation en Lozère
Depuis 1990, l’association TAKH œuvre à la sauvegarde du cheval de Przewalski, aussi appelé takh en mongol. Elle a été fondée par l’éthologue suisse Claudia Feh. L’association a pour mission de redonner liberté et dignité à cette espèce disparue à l’état sauvage dans les années 1960.
Sur le Causse Méjean, en Lozère, TAKH a aménagé une réserve de 400 hectares. Une cinquantaine de chevaux y vivent aujourd’hui en semi-liberté. L’objectif n’est pas de les apprivoiser. Mais de leur offrir des conditions de vie aussi naturelles que possible, avec une intervention humaine minimale.
Ce site unique sert de tremplin pour des programmes de réintroduction en Mongolie, dans leur environnement d’origine.
Une mission de conservation globale
TAKH s’inscrit dans une démarche de conservation à la fois génétique, comportementale et écologique du cheval de Przewalski. L’association développe une approche pluridisciplinaire, en partenariat avec des structures scientifiques et environnementales.
- Recherche et suivi scientifique : TAKH collabore avec des laboratoires comme le CNRS pour étudier la génétique, le comportement et les traces archéozoologiques des chevaux.
- Conservation intégrée : au-delà des chevaux, la réserve participe à la restauration des milieux steppiques. Elle favorise ainsi la biodiversité locale (vautours, cerfs, insectes, etc.).
- Programme de réintroduction: plusieurs chevaux ont pu être relâchés dans une réserve en Mongolie, où la population sauvage se reconstitue progressivement.
Une sensibilisation vivante du grand public
TAKH ne se limite pas à la conservation : elle s’engage aussi à éduquer et sensibiliser. La réserve accueille le public toute l’année, avec des visites, des conférences, des résidences artistiques ou encore des stages.
Des immersions de plusieurs jours sont proposées aux particuliers comme aux professionnels. Elles offrent une expérience unique du cheval « sauvage ». Ces moments privilégiés permettent de mieux comprendre le comportement équin. Mais aussi d’ouvrir une réflexion plus large sur notre lien au vivant et à la nature.
Qui est le cheval Przewalski ?
Découvert en Mongolie
Le cheval de Przewalski a été découvert à la fin du XIXe siècle par un explorateur russe d’origine polonaise, Nikolaï Mikhaïlovitch Przewalski. Contrairement à ce qu’on pourrait imaginer, il n’a pas capturé de chevaux vivants, mais a simplement rapporté des peaux.
C’est ensuite un zoologiste, Ivan Semyonovich Polyakov, qui a étudié ces restes et reconnu qu’il s’agissait d’une espèce encore inconnue. C’est lui qui lui a donné son nom scientifique : Equus przewalskii.
Une espèce à part entière
Le cheval de Przewalski fait partie de la grande famille des équidés, tout comme nos chevaux domestiques, les ânes et les zèbres. Il appartient lui aussi au genre Equus. De petite taille, il est trapu, avec une robe isabelle et une crinière courte et dressée. Il a longtemps été connu comme le dernier vrai cheval sauvage, celui qui n’aurait jamais été domestiqué.
La crinière dressée du Przewalski, une caractéristique commune à tous les équidés sauvages. Contrairement à eux, les chevaux domestiques ont une crinière qui tombe. Cette différence semble liée à la mue. Les chevaux sauvages perdent et renouvellent régulièrement leurs crins. Alors que chez les chevaux domestiques, ceux-ci s’allongent, s’accumulent… puis tombent.
Autre différence notable : les chevaux de Przewalski ont 66 chromosomes. Alors que les chevaux domestiques n’en ont que 64. En général, une différence dans le nombre de chromosomes crée une barrière à la reproduction. Comme chez le mulet qui est un hybride stérile issu du croisement entre un âne et un cheval. Mais avec le cheval de Przewalski, c’est plus compliqué. Les croisements avec des chevaux domestiques donnent des hybrides fertiles qui ont 65 chromosomes. Normalement, une anomalie chromosomique comme celle-ci (un chromosome en plus, un peu comme une trisomie) empêche la viabilité ou la reproduction. Mais chez ces hybrides, ce n’est pas le cas.
Et ça ne s’arrête pas là : certains hybrides peuvent même avoir 64 ou 66 chromosomes. Physiquement, ils sont impossibles à distinguer à l’œil nu, sauf peut-être à la deuxième génération ou si une robe particulière (due à un gène récessif) apparaît. En résumé, le seul moyen fiable pour les identifier est une analyse génétique.
Une fascination pour les collectionneurs du XIXe siècle
À la fin du XIXe siècle, l’Occident est fasciné par les espèces exotiques. C’est l’âge d’or des zoos, des jardins d’acclimatation et des cabinets de curiosités. Les collectionneurs fortunés recherchent des animaux rares à montrer dans leurs collections privées ou à offrir aux zoos en plein essor.
Le cheval de Przewalski, avec son allure primitive, suscite très vite l’intérêt de ces passionnés.
Pour satisfaire cette demande, des expéditions sont lancées en Mongolie et en Chine. Les débuts sont difficiles, mais très vite, les chasseurs adoptent une méthode radicale. Ils abattent les adultes pour pouvoir attraper les poulains plus facilement. Ces derniers sont ensuite confiés à des juments domestiques mongoles, afin de leur assurer la survivre en captivité.
À l’époque, ces captures ressemblaient bien plus à des chasses qu’à de réelles études scientifiques. Et avec le recul, on peut dire qu’elles ont sans doute contribué à précipiter la disparition de l’espèce dans la nature, alors qu’elle était probablement déjà en déclin.
L’extinction à l’état sauvage… et la survie en captivité
La dernière fois qu’un cheval de Przewalski a été vu dans la nature, c’était en 1968. Deux ans plus tard, en 1970, l’espèce était officiellement considérée comme éteinte à l’état sauvage.
Heureusement, quelques individus avaient été gardés en captivité. Sur les 53 poulains capturés au fil des années, seuls 12 ont réussi à avoir une descendance. Parmi eux, il y avait une jument domestique mongole, qui a été croisée avec des mâles Przewalski. Sa lignée fait aujourd’hui partie du patrimoine génétique de l’espèce.
Le rôle essentiel du studbook dans la sauvegarde de l’espèce
Un studbook, c’est tout simplement un registre généalogique. Il permet de garder une trace précise de tous les individus d’une population animale, un peu comme un arbre généalogique géant.
Dans les années 60 et 70, un studbook mondial a été mis en place pour les chevaux de Przewalski. Grâce à lui, on a pu suivre la lignée de chaque cheval, organiser les échanges entre zoos dans le monde, et surtout éviter un maximum la consanguinité.
Au début, en captivité, il n’y avait pas vraiment le choix. On croisait souvent des frères et sœurs entre eux, parce qu’il n’y avait pas assez de diversité. Mais l’arrivée du studbook a permis de changer la donne.
On a pu planifier les accouplements entre des chevaux issus de lignées différentes, et donc préserver une certaine diversité génétique. C’est grâce à cette gestion super rigoureuse que l’espèce a pu survivre jusqu’à aujourd’hui.
La réintroduction en milieu naturel
Aujourd’hui, plusieurs programmes de réintroduction ont vu le jour, notamment en Mongolie. Ceci grâce aux efforts conjoints des zoos, des scientifiques et des protecteurs de la biodiversité, . Les chevaux de Przewalski y vivent désormais dans des réserves semi-sauvages, au contact de leur habitat d’origine.
Des chevaux de l’association Takh ont d’ailleurs été envoyés en Mongolie afin d’être réintroduits dans leur milieu naturel d’origine en 2004 et 2005.
Ce que m’a appris l’observation des chevaux de Przewalski en liberté
Un sentiment de dépaysement m’a envahie, dès les premiers instants dans le parc de la réserve du Causse Méjean. Voir ces chevaux libres, organisés en 3 groupes familiaux vivant ensemble, évoluant dans leur propre environnement était magique.
Hélène Roche, connaît les histoires personnelles de presque chaque cheval, leurs liens, leurs rivalités. Chacun a son tempérament. Observer ces chevaux, c’est comprendre ce que pourrait être un cheval non façonné par l’homme.
Quand on observe des chevaux vivant en semi-liberté, on découvre un monde bien plus riche et complexe que ce qu’on imagine depuis le box ou la carrière. Hiérarchies, affinités, séparations, conflits et réconciliations : la vie sociale des chevaux est pleine de nuances.
J’ai été frappée par la richesse des interactions à observer. Il ne se passe pas une minute sans qu’un comportement attire l’attention : un poulain qui joue, deux chevaux qui se font une séance de grooming, un étalon qui marque son passage, une poursuite entre mâles, un jeu qui dégénère, une bagarre, ou encore un étalon familial qui tente de garder son groupe sous contrôle. À cela s’ajoutent les comportements plus subtils comme l’observation de l’environnement, le flairage des odeurs, le flehmen…
En les regardant vivre, j’ai vraiment pris conscience de la complexité des liens qui les unissent. Et j’ai aussi mesuré à quel point la position d’étalon familial est exigeante. C’est un rôle qui demande une vigilance de tous les instants, car il faut constamment défendre sa place pour ne pas la perdre au profit d’un autre.
Etre poulain dans un groupe familial
Lors de mon séjour, 3 poulains étaient déjà nés, le plus jeune n’avait qu’une semaine. Nous avons appris que les jeunes poulains grandissent dans un cadre plutôt permissif.
Ils explorent, jouent, vont de groupe en groupe sans trop de contraintes. Leur statut de jeunes leur permet d’échapper à certaines règles sociales, même si des rappels à l’ordre peuvent survenir.
Le sevrage alimentaire
Dans la nature, le sevrage ne se résume pas à une séparation brutale entre la mère et son poulain. Il se fait en deux temps. D’abord le sevrage alimentaire, puis le sevrage social. La mère espace progressivement les tétées, puis les arrête, souvent à l’arrivée d’un nouveau poulain. Mais cela ne signifie pas pour autant la fin du lien.
Même après avoir été sevrés, les jeunes restent souvent proches de leur mère et continuent à entretenir des interactions fortes : jeux, grooming, moments de repos côte à côte… Les liens familiaux perdurent bien au-delà de l’allaitement, parfois jusqu’à ce que les jeunes quittent naturellement le groupe autour de deux ou trois ans.
Ce maintien des relations familiales, que ce soit avec la mère, les frères et sœurs ou un étalon bienveillant, constitue une base riche pour le développement social des jeunes chevaux. Ils apprennent à interagir avec des adultes, des jeunes d’âges différents, et développent ainsi des compétences sociales précieuses pour la suite de leur vie.
Le sevrage social
À l’approche des premières chaleurs, une jument devient soudainement le centre d’attention. Des groupes entiers d’étalons célibataires peuvent se battre pour elle, souvent sans tenir compte de son consentement.
Cela peut être très perturbant pour elle, surtout si elle n’a pas encore établi de lien avec un étalon. Cette étape marque un tournant. Elle passe du monde des jeunes au monde des adultes, avec ses codes et ses tensions.
Quant aux jeunes étalons, ils rejoignent généralement un groupe de mâles célibataires. Ces groupes, parfois très soudés, sont un véritable terrain d’apprentissage social.
Les jeunes y expérimentent le jeu, les codes relationnels entre mâles, la gestion des tensions et des émotions. C’est une étape cruciale où se construisent les bases de leur futur rôle d’étalon.
Les jeux de simulacre, les défis, les rituels autour des crottins ou les comportements d’intimidation, comme les coups de pieds contrôlés, apparaissent progressivement, souvent vers 4 ou 5 ans. Certains étalons restent longtemps dans ce mode de vie, voire toute leur vie, sans jamais former de groupe avec des juments.
D’autres tentent leur chance à l’approche de la saison de reproduction, testant leur assurance face aux étalons déjà en place. Ces interactions entre étalons célibataires sont très importantes. Elles permettent aux jeunes mâles d’apprendre à désamorcer les conflits, à observer les dynamiques sociales, et à développer une certaine maturité relationnelle.
Chaque individu vit cette période à sa manière. Certains cherchent le contact, d’autres évitent les conflits. Mais tous y puisent une forme d’expérience nécessaire à leur évolution sociale.
Le libre arbitre des juments : une force souvent méconnue
Une chose qui m’a marquée c’est que contrairement à une idée reçue, les juments ne sont pas simplement « possédées » par les étalons. Elles tissent des liens forts avec les autres juments de leur groupe. Et si une jument rejoint un autre étalon il est possible qu’elle soit suivie par une de ses amies. Elles peuvent choisir de quitter leur groupe et de rejoindre un autre, parfois même contre la volonté de leur ancien compagnon.
Cette dynamique montre bien que le « pouvoir » des étalons a ses limites : ils ne peuvent retenir une jument contre sa volonté si celle-ci décide de partir. Et parfois, ce sont même des tensions internes entre juments, comme l’arrivée d’une nouvelle jument peu sociable, qui provoquent des départs collectifs.
Étalon débutant ou expérimenté : un facteur clé
Le comportement d’un étalon varie fortement selon son expérience. Hélène Roche nous a raconté l’histoire de Wasabi. Lorsqu’il était jeune étalon, il a été particulièrement dur avec sa première jument, Ekat : morsures, conduites insistantes, isolement. Ce manque de douceur traduisait surtout un manque de maturité et de lien social.
Un an plus tard, Ekat a été « reprise » par Colombo, un étalon plus expérimenté et beaucoup plus respectueux et Wasabi est redevenu étalon célibataire. L’histoire montre ici que les étalons ne sont pas tous égaux. Ceux qui sont capables de créer un lien réel sont souvent moins agressifs et mieux acceptés par les juments.
La vie d’étalon familial
Comme je l’ai évoqué plus haut, ce qui m’a particulièrement marquée, c’est à quel point le rôle d’étalon familial est exigeant. Un étalon familial vit généralement avec deux à quatre juments, qu’il doit à la fois protéger et garder auprès de lui.
Il ne suffit pas qu’il soit simplement toléré par elles. Il doit créer un lien de confiance suffisamment fort pour qu’elles n’aient pas envie de le quitter. Et en parallèle, il doit rester en alerte permanente pour repousser les étalons célibataires. Car souvent ils rôdent autour de son groupe et cherchent à séduire ses juments.
J’ai observé que les étalons familiaux n’éliminent presque jamais simplement par besoin. Le crottin et l’urine deviennent pour eux de véritables outils de communication. Ils marquent leur passage en crottinant sur les crottins d’autres mâles, et ils dissimulent les odeurs de leurs juments en urinant sur leurs crottins et urines. Tout est stratégique, chaque trace compte.
Dès qu’un étalon célibataire s’approche d’un peu trop prêt, on peut voir l’étalon familial se mettre en mouvement. Il entame alors une course pour le chasser, parfois sur plusieurs centaines de mètres, jusqu’à ce que l’intrus soit assez loin pour ne plus représenter une menace. Ces poursuites peuvent durer plusieurs minutes et exigent une grande dépense d’énergie.
Ce rôle demande aussi une vigilance constante. L’étalon familial lève régulièrement la tête pour scruter les alentours, surveille les mouvements des autres mâles, et intervient dès qu’un membre de son groupe – jument ou poulain – s’éloigne trop. Dans ce cas, il fait ce qu’on appelle une conduite. Il baisse la tête vers le sol et oriente discrètement le groupe dans la direction qu’il souhaite.
Tous les étalons que j’ai observés portaient les marques de leurs altercations : des morsures, pour la plupart superficielles, mais révélatrices des nombreux affrontements. Parfois, ces conflits peuvent aller plus loin et causer des blessures sérieuses. C’est un rôle physique, intense, où chaque jour peut être un défi pour garder son statut et sa famille.
Dominance : attention aux raccourcis
La dominance chez les chevaux n’est pas toujours bien comprise. On l’associe à la force, à la capacité de faire bouger les autres. Mais si l’on retire les comportements de « conduite » que l’étalon familial utilise pour déplacer ses juments et poulains, les juments peuvent se révéler dominantes sur l’étalon dans de nombreuses interactions.
En réalité, la hiérarchie de dominance repose sur l’accès prioritaire à une ressource limitée. Dans le cas des étalons, la jument devient cette ressource.
Les comportements de conduite des étalons ne sont donc pas forcément un indicateur de dominance. En effet, la jument ne rivalise pas pour une ressource : elle est la ressource. Ainsi, considérer les conduites comme critères de hiérarchie peut fausser l’analyse.
L’environnement : un acteur à part entière
Les chevaux ne se comportent pas de la même manière partout. Leur façon de vivre ensemble dépend beaucoup de leur environnement. La taille de l’espace, le nombre de chevaux présents, la proportion de mâles et de femelles, ou encore la présence de prédateurs peuvent complètement changer la manière dont les groupes s’organisent et interagissent.
Les chevaux ne sont pas des animaux territoriaux. Cependant, dans des environnements restreints ou insulaires, on observe parfois une forme de territorialité chez les étalons, ce qui est rare chez les chevaux. Ce comportement naît souvent du besoin de défendre des congénères plutôt qu’un territoire en soi. Quand un seul point d’eau ou une zone de repos est disponible, les chevaux peuvent défendre l’espace comme s’il était « à eux ».
La réintroduction des chevaux de l’association Takh : un apprentissage collectif
Lorsque les premiers chevaux sont arrivés sur le domaine de l’association Takh après leur transfert depuis les zoos, ils ne se connaissaient pas. Et ils n’avaient pas les codes sociaux nécessaires pour vivre ensemble en liberté. Les étalons, en particulier, n’avaient pas appris à cohabiter avec d’autres mâles. Ils pouvaient se montrer très agressifs ou au contraire, éviter tout contact. Il a donc fallu du temps pour que chacun trouve sa place.
Les jeunes chevaux ont commencé à développer de vraies compétences sociales, grâce à la naissance de poulains sur place et à l’observation progressive des autres. C’est avec cette nouvelle génération, née sur le domaine, que les premiers groupes stables ont vu le jour.
Il a fallu plusieurs années avant que les relations se régulent. Et que l’on observe une organisation sociale plus fluide et naturelle. Elle serait proche de ce que l’on peut voir dans les populations sauvages.
Contrairement à d’autres herbivores, les chevaux forment des liens profonds et durables, notamment entre juments. Ces liens peuvent durer toute une vie. Les structures familiales chez les chevaux sont uniques. Elles sont bien plus proches des sociétés de loups ou de certains primates que de celles des antilopes ou des zèbres.
Ce que les chevaux de Przewalski nous disent sur les chevaux domestiques
L’observation des chevaux de Przewalski vivant en liberté nous offre une source précieuse d’inspiration. Elle nous amène à repenser le bien-être de nos chevaux domestiques.
Ces chevaux, considérés comme les plus proches du cheval sauvage originel, conservent un mode de vie qui respecte profondément leurs besoins fondamentaux.
Leur emploi du temps est rythmé par des activités naturelles. Une alimentation à base de fibres de 14 à 16 heures par jour. De la liberté de mouvement, du repos par phases et une vie en groupe avec des interactions sociales riches et constantes.
Ces éléments, qui constituent leur équilibre quotidien, sont aujourd’hui reconnus comme des références en matière de bien-être. Lorsque la répartition des activités d’un cheval domestique s’éloigne trop de ce modèle naturel – par exemple, lorsqu’il est confiné en box, privé de contacts sociaux ou d’un accès continu à l’alimentation – les risques de troubles du comportement, de coliques ou de maladies augmentent fortement.
Les chevaux de Przewalski nous enseignent que la satisfaction du bien-être ne repose pas seulement sur l’absence de douleur ou de faim. Mais aussi – et surtout – sur la possibilité d’exprimer librement les comportements propres à leur espèce.
Observer leur mode de vie nous invite à remettre en question nos pratiques. Et si offrir à nos chevaux plus d’espace, de choix, et de relations sociales n’était pas un luxe, mais une nécessité ?
L’importance d’observer le comportement de nos chevaux
Observer les comportements de nos chevaux au quotidien est l’une des clés les plus précieuses pour comprendre leur bien-être réel. Chaque cheval a son propre rythme, ses habitudes, ses réactions.
Ce sont les écarts à ces habitudes qui doivent nous alerter. Une posture figée, une hypervigilance excessive, une agressivité envers l’humain, ou encore l’apparition de comportements répétitifs (comme le tic à l’appui, tic à l’ours ou les mouvements stéréotypés de la langue) sont autant de signaux d’alerte que le cheval nous envoie.
Ces signes, souvent subtils, ne se perçoivent que par une observation attentive, dans un contexte calme et au fil du temps. Les études récentes ont montré que lorsqu’un cheval ne peut pas exprimer ses comportements naturels, ou qu’il subit une frustration prolongée (manque de nourriture, d’interactions sociales ou de mouvement), il risque de développer des troubles comportementaux ou de santé.
Mais il ne suffit pas de voir que le cheval « mange » ou « dort » : il faut aussi observer comment il le fait, à quelle fréquence, et dans quel état émotionnel. Apprendre à regarder sans juger, à repérer les petits changements dans l’attitude ou la posture, c’est ouvrir une fenêtre directe sur ce que vit réellement notre cheval. C’est là que commence une vraie démarche de bien-être.
Observer pour comprendre : le langage discret du visage équin
Le cheval communique énormément par son corps, et en particulier par son visage. Des signes parfois discrets — comme une lèvre supérieure tendue, des narines étirées, un menton crispé ou des oreilles légèrement tournées vers l’arrière — peuvent révéler un inconfort, une douleur ou un état de stress.
Ce n’est jamais un détail pris isolément qui parle, mais l’accumulation de signaux. Une posture figée, les yeux grands ouverts mais absents, la tête appuyée contre un mur ou le retrait des interactions sociales peuvent être les manifestations silencieuses d’un mal-être.
Apprendre à repérer ces signaux, à les reconnaître, c’est offrir à son cheval une chance d’être entendu avant que le problème ne s’aggrave. C’est aussi affiner notre regard et notre responsabilité de gardien de son équilibre physique et émotionnel. Parfois, une simple observation attentive peut faire toute la différence.
Envie de soutenir l’association TAKH ?
En soutenant l’association Takh, vous faites bien plus qu’un simple don. Vous contribuez concrètement à la préservation d’une espèce emblématique, le cheval de Przewalski, et à la restauration des écosystèmes steppiques qui l’entourent.
Comment les soutenir ?
- Faire un don ou parainer un cheval. ➽ cliquez ici pour plus d’infos
- Devenir partenaire: entreprises, associations ou institutions peuvent soutenir techniquement, logistique ou financièrement les projets de TAKH. ➽ cliquez ici pour plus d’infos
- Partager leurs actions: en relayant les projets de TAKH, ses appels à don ou événements, vous amplifiez leur impact. ➽ accédez à la page instagram
- Participer ou offrir un stage: une façon directe de les soutenir et de découvrir leurs enjeux sur le terrain. ➽ cliquez ici pour plus d’infos
Personnellement j’ai adoré ces 3 jours en immersion et je les recommande à tous ceux qui veulent observer des chevaux vivants libres. Votre observation des chevaux va s’affiner et vous allez apprendre plein de choses sur leurs comportements.
De plus, l’endroit est magnifique et très dépaysant et Hélène Roche est une personne passionnante et passionnée, cela se ressent dans ce qu’elle nous transmet. D’ailleurs je la remercie pour toute cette transmission de savoirs, de pistes de réflexions et remises en question.
N’hésitez pas à les suivre sur les réseaux sociaux et partager cet article s’il vous a plu, c’est aussi une manière de soutenir cette association.
Et pour aller plus loin dans la compréhension de votre cheval, découvrez ma formation offerte sur la confiance cheval-cavalier.